Le Trappiste (Bruges)
Dans un précédent article au sujet du Café Rose Red, j’ai déjà un peu parlé de mon amour pour Bruges. Si je devais choisir une seule ville pour y passer le reste de mes jours, ce serait elle, la Venise du Nord. D’ailleurs, je n’ai aucune envie de visiter Venise, tant je suis certaine d’être déçue en comparaison.
Quand je pense qu’il y a des gens qui vivent dans le centre historique de Bruges, qui y travaillent, qui y ont leurs habitudes, je me dis qu’il ne peut y avoir citoyens plus heureux sur la terre. Certes, ils ont leurs problèmes, comme tout le monde. Mais il me semble que la beauté dont ils sont entourés doit être un baume pour les désagréments de la vie quotidienne, et que ceux-ci doivent être grandement soulagés quand on peut chaque soir descendre les marches abruptes du café Le Trappiste et pénétrer dans sa magnifique cave voûtée datant du 13e siècle.
Ce local vénérable, où Le Trappiste s’est installé il y a tout juste un an, est un prodige de vieilles pierres assemblées en arcades d’une légèreté et d’une délicatesse surprenantes, quand on pense que celles-ci soutiennent le poids d’un édifice de la Kuyperstraat (« rue des tonneliers ») depuis un bon bout de temps. La beauté antique des lieux plaira particulièrement à ceux qui aiment l’esthétique gothique, la lueur vascillante des chandelles, les alcôves sombres, les murs épais suintant d’histoire. Moi, j’adore.
Comme si elle n’avait pas déjà assez d’atouts, la ville de Bruges compte plusieurs cafés au décor charmant et à la carte de bières bien garnie. Dans ce lot de choix, Le Trappiste se démarque par la qualité de son accueil. On ne s’y sent pas touriste ni « beer geek », même quand on vient de loin pour y boire des bières exceptionnelles. L’ambiance qui y règne rappelle, dans le genre médiéval, celle du bar de l’émission américaine Cheers : l’action se passe surtout au comptoir, et il suffit d’y être allé une fois (et d’être un peu sympathique) pour que le patron, Regnier, et certains habitués vous saluent par votre nom lors de votre prochaine visite.
Outre la carte comptant une centaine de bières triées sur le volet, l’ardoise accrochée au-dessus du bar a de quoi nous attacher. Y est inscrite une liste changeante de bouteilles « invitées » et de bières au fût, comme la Troubadour Magma (ma double IPA préférée tous pays confondus), la sublime Pannepot Reserva (De Struise) et la tonique Dead Pony Club de la brasserie écossaise BrewDog. Car Le Trappiste est un « International Beer Café », qui n’offre pas que des bières belges, comme la plupart des cafés brugeois, mais aussi des étrangères de renom. J’y ai par exemple dégusté des produits de Nøgne ø, Buxton, De Molen, Thornbridge et Emelisse. Rares sont les bars qui proposent un tel choix de bières internationales en Belgique.
Le Trappiste ouvre relativement tard (17 h) et ne sert pas de repas, mais si vous voyagez en famille, n’hésitez pas à y faire un petit tour avant le souper avec vos enfants bien élevés. Ma fille y est allée quelques fois et a apprécié, en sirotant son Iced Tea, l’atmosphère un peu mystérieuse du café, le popcorn offert gracieusement, les sourires de quelques habitués et surtout, au comptoir, les yeux flamboyants du dragon de métal surmontant la pompe de Gulden Draak, que Regnier a allumés spécialement pour elle.
Plus tard en soirée, Le Trappiste est fréquenté par un mélange de Brugeois et de touristes venus y découvrir les bières belges, généralement plus fortes que celles auxquelles ils sont habitués. Cela donne parfois lieu à de bruyants éclats de rire et à des confessions sentimentales sur le zinc, mais Regnier veille au grain en s’assurant que l’ambiance demeure joyeuse et conviviale. Bref, Le Trappiste est l’endroit parfait pour boire de la bonne bière jusqu’aux petites heures du matin, surtout qu’il est situé au coeur de Bruges, tout près de la Grand-Place, là où les hôtels sont légions.
Ha! Je rêve qu’un jour Le Trappiste soit mon bar de quartier, mon « local » comme disent les Anglais, mon Cheers à moi, et que je puisse y devenir un pilier aussi fidèle que ceux qui en supportent le plafond depuis des siècles. Mais comme je ne risque pas d’aller vivre à Bruges de si tôt, je continue de tenter d’apprendre le néerlandais à distance en me disant : Ik kan niet wachten om terug te komen naar Le Trappiste!
texte : Alexandra Serre
photos : Hugue Lebel
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