Les résultats, de l'édition 2015 de cette compétition internationale, surprennent et peuvent mettre en colère. Si seuls les passionnés de la bière (brasseurs comme consommateurs) connaissent bien ce type de récompenses et pestent régulièrement contre, les citoyens lambda tomberont peut-être dans le piège de ces médailles ajoutées aux étiquettes et qui devraient être gage de qualité. Revenons sur le principe global de ces concours gastronomiques pour analyser plus en détails la fournée de cette année.
L'apparition d'Internet et des critiques ouvertes au public n'a été que le premier coup pour entamer la réputation de compétitions, certes internationales et professionnelles, mais fermées et biaisées. Si des sites comme Ratebeer-BeerAdvocate ou l'application Untappd permettent de noter les bières à la seule condition que celles-ci soient référencées, les concours fonctionnent par sélection. Vivement critiquée pour les vins, cette décision prend toute son importance dans le domaine des restaurants, où les "meilleurs restaurants du monde" sont choisis suivant le sponsor de l'événement (un distributeur de boissons). Pas de business avec cette marque de boissons? Peu de chance de concourir, et des résultats parfois surprenants (le Noma, certes réputé, envoie quand même régulièrement des clients à l'hôpital pour intoxication alimentaire). Au niveau de la bière, il existe trois concours mondiaux majeurs: la World Beer Cup, le Brussel Beer Challenge et les World Beer Awards.
Jetons un coup d’œil sur les résultats de ce-dernier (la liste complète se trouve sur ce lien). Leffe remporte cinq médailles importantes dont l'argent pour l'IPA belge (Vedett IPA remporte l'or), Omer gagne le titre de meilleure blonde belge, Jupiler a droit à la médaille de bronze dans le style "Czech pale lager" et Kronenbourg gagne au moins trois récompenses... Même si nous pouvons tout à fait apprécier ces bières, l'étonnement frappe concernant leurs titres gagnés. Quelles explications justifient ces choix étranges?
Premièrement, pour financer la compétition, les organisateurs demandent des frais d'inscription élevés. Dans le cas présent, comptez 180€ par bière représentée, avec un minimum de 12 bouteilles à envoyer. Soit plus de 2000€ par bière... (erratum: 180€ pour les douze bouteilles) Un prix dérisoire pour les gros brasseurs mais qui freinent net les plus petites entreprises. Malheureusement, vu les frais d'organisation et la venue d'un jury international, difficile d'imaginer d'abaisser ces prix. Une adaptation suivant le volume de production pourrait peut-être résoudre la problématique.
Deuxièmement, la surabondance de catégories permet d'attribuer des médailles à presque tous les gros participants. Au point d'avantager ceux qui payent plus que les autres? Nous ne pouvons le vérifier, car le nombre de participants et le choix des catégories restent inconnus... Un exemple concret permet d'illustrer notre propos: la Leffe Cascade IPA, très mauvaise indian pale ale, remporte une récompense dans la catégorie "IPA belge", alors que Vedett remporte l'or. Difficile d'imaginer que les vraies bonnes IPA produites en Belgique figuraient sur la liste du concours. La 1664 Millésime, autre exemple, remporte la récompense pour son pays (la France) mais aussi son style et sous-style (bock, alors que techniquement elle ne l'est pas). Au concours 2014 du Brussels Beer Challenge, elle gagnait une récompense dans la catégorie "bière de spécialité", aux côtés de bière aux céréales spéciales...
Beaucoup de problématiques donc pour l'idée séduisante de compétitions internationales et professionnelles... qui mériteraient de l'être réellement et de s'ouvrir à tous!
Cédric Dautinger