La période parait difficile pour bien des brasseries belges. Nous vous annoncions la fin de "No Science" le mois dernier, et c'est désormais la brasserie du Renard qui rejoint la liste des récentes faillites. Située à Grez-Doiceau, la brasserie se démarquait par son statut de coopérative, mais aussi son label bio ou encore son intérêt pour le circuit court, encore plutôt rare au sein des brasseries artisanales. Notre visite, début 2021, présentait une petite équipe ambitieuse, évoquant un souhait d'agrandir sa production et de proposer leurs bières au sein de festivals et de cafés. La pandémie du Covid-19 avait mis un frein à ces objectifs, mais il est impossible d'affirmer qu'elle est la cause principale de cette faillite. Les gestionnaires des réseaux de la brasserie n'ont pas encore communiqué sur cette fermeture.
De son côté, la "Brasserie 28" connaît aussi de grandes difficultés. Elle n'est pas encore en faillite, mais en procédure de réorganisation judiciaire (PRJ), lui donnant un léger sursis pour peut-être rattraper ses dettes ou, au moins, limiter la casse. La succession de deux crises presque coup-sur-coup (Covid, puis augmentation des coûts liés à l'invasion de l'Ukraine et inflation), impactant également l'Horeca dans laquelle la brasserie a beaucoup investi, semble être la cause la plus plausible de ces difficultés. Spécialisée notamment dans les bières artisanales "light" (comprenant moins de glucides), la brasserie 28 dispose pourtant de plus de ressources que bien des brasseries en crise. Entre franchises assurant la distribution de ses bières à l'étranger et surtout une forte présence en Italie, la brasserie n'est pas parvenue à maintenir à flot son établissement de la Grand-Place, ni celui de la Gare Centrale.
L’Authentique Brasserie de Blaton rendait également les armes en janvier dernier, après dix-huit années d'existence. Une véritable période noire pour le secteur brassicole belge? C'est en tout cas l'avis d'Eric Coppieters, fondateur de la brasserie 28, qui estime que de nombreuses entreprises brassicoles sont en difficulté. Un constat corroboré par Krishan Maudgal, directeur de la fédération "Brasseurs Belges". Lors du seul premier trimestre 2023, ce n'est pas loin d'une vingtaine de brasseries qui ont plié boutique. "Ce sont, pour la plupart, de très petites brasseries de création récente, de sorte qu'on peut supposer qu'elles n'ont pas eu le temps ni la capacité de se créer des pare-chocs financiers." rajoute Krishan Maudgal.
Il serait toutefois illusoire de croire que seules les brasseries les plus jeunes souffrent de cette situation compliquée. L'Horeca en général connait une baisse de fréquentation, ainsi que des horaires parfois réduits, faute de personnel. Les confinements autant que la guerre en Ukraine auront eues et continuent parfois d'avoir un impact considérable sur les activités des brasseurs et brasseuses. La première crise ayant conduit à la fermeture de l'Horeca et à l'explosion du télétravail. La seconde aura fait flamber les prix de certaines matières premières, mais aussi de l'énergie, sans même évoquer les pénuries. Le marché lui-même est différent, la consommation de bière en Belgique ayant diminué depuis 2019 de près de 130.000 hectolitres. Une baisse qui n'est pas entièrement compensée par l'exportation, elle-même en baisse, notamment en dehors de l'Union Européenne. S'ajoutent enfin une météo compliquée, impactant les cultures de céréales et de houblons... mais aussi des prix pas toujours faciles à augmenter et surtout à justifier auprès de sa clientèle. Si Krishan Maudgal ne le mentionne pas, il ne parait pas inconcevable qu'une concurrence toujours plus féroce puisse contribuer à la fermeture de ces jeunes brasseries, déboulant sur un marché déjà bien rempli.
Si la brasserie 28 ne met pas encore la clef sous la porte, le tableau n'est guère réjouissant. Ses installations à l'étranger pourrait connaître un sort similaire à ces établissements bruxellois, en tout cas pour les bars moins bien placés. Son fondateur termine en précisant que son équipe resterait "[...]à l'affût d'éventuelles opportunités qui permettraient de rebondir. Mais notre conseil d'administration estime que les choses n'évolueront pas significativement avant au moins deux ans." De quoi s'attendre, malheureusement, à d'autres probables fermetures...