Bastin

Gilles Bastin : de l'Afrique à Schaerbeek

Dans le microcosme des brasseries bruxelloises, beaucoup de monde connaît déjà Gilles Bastin à qui nous devons la gamme 1B2T (une bière deux tartines). Cette brasserie (pour le moment à façon chez Jandrain-Jandrenouille) nous abreuve régulièrement avec sa Mermaid (une India Pale Ale blanche), sa Guru (une Pale Ale aux épices rappelant l'Inde) et la petite dernière: la Mwana Bissa. Cette bière rend hommage au continent africain, sans hasard puisque Gilles s'y rend régulièrement pour conseiller les brasseries locales. De l'Europe à l'Afrique, découvrons la connexion effectuée par Gilles Bastin au travers de la bière!

Peux-tu nous présenter ton parcours?

Gilles Bastin : "Passionné depuis toujours par les sciences et les expériences, je suis rentré à la faculté agronomique de l'UCL afin de devenir bio-ingénieur. Bien que déjà amateur de bières, c'est en rentrant à l'université que j'ai pu approfondir mon amour pour le monde brassicole grâce, entre-autre, aux Quinzaines de la bière qui à l'époque proposait déjà plus de 300 bières différentes. Je me rappelle encore des gens qui se battaient pour arriver le premier jour afin d'être certains d'avoir une Wesvleteren. J'ai également effectué le stage de ma deuxième année de bachelier dans la malterie Belgomalt à Gembloux. J'ai ensuite réalisé un Master en chimie et bio-industries. A la fin de mes études, un de mes premiers boulots a été de partir deux ans à Lubumbashi en République Démocratique du Congo afin de mettre en place la FSSC2200 (Food Safety System Certification) pour une société agro-alimentaire. Pendant ces deux années, j'ai brassé énormément de bières et les idées ont fusé avec des recettes de bières artisanales qui faisaient mouche auprès de mon entourage. A mon retour en Belgique en 2016, j'ai été embauché chez AB InBev à la brasserie de Jupille où j'ai été First Line Manager Brewing pendant deux nouvelles années. En résumé, j'y gérais une équipe de 12 opérateurs dans le département brassage, allant de la réception des matières premières jusqu'à l'envoi de la bière filtrée au packaging tout en optimisant les différents procédés (brassage, fermentation, maturation, filtration). Pendant ces années, j'ai amélioré mes compétence en process, management et dégustation mais j'ai également refais une formation en Malting, Brewing & Fermentation à l'institut Meurice avec deux grand allumés: Rémy Perée, Joel Galy (NDLR: respectivement brasseur chez Misery et Brasserie de la Mule) mais également la zythologue Nathalie Pinson. Parallèlement, en mai 2018, la Brasserie 1B2T voit le jour. Finalement, depuis maintenant trois ans, j’ai rejoins la société Sopura qui travaille pour de nombreuses brasseries en Afrique."

En quoi consiste ce travail effectué sur le continent africain?

Gilles Bastin : "Je travaille donc pour Sopura, une société qui conçoit, fabrique et commercialise des produits de nettoyage et de désinfection ainsi que des solutions de traitement de l’eau pour les industries brassicoles, de boissons et alimentaires. Sopura est vraiment très bon dans ces domaines et fournit pour certains de ses client un service supplémentaire d'audit annuel. Mon rôle est donc de faire une inspection de l'ensemble de la brasserie afin de voir si tout se passe bien au niveau hygiène, qualité mais également process, un peu comme le fait un consultant brasseur. Je propose également toute une série de formations et des solutions afin d'optimiser les consommations en eau, électricité, temps, produits aussi bien au niveau du brassage/fermentation que de l'embouteillage (qui est bien plus énergivore). Pour le moment, les pays où j'ai déjà été travaillé sont : le Burkina Faso, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Togo, le Bénin, le Tchad, le Cameroun, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République Démocratique du Congo, l'Angola et l'Éthiopie."

Comment décrirais-tu une journée type de travail sur place?

Gilles Bastin : "J'arrive à la brasserie où je commence par une réunion avec les différents responsables afin de discuter des points critiques qu'ils veulent que j'analyse mais également des points que j'inspecte de base à chaque visite. De là, une organisation se met en place suivant le planning de la brasserie. De manière générale, quand c'est possible et que le temps nous le permet, il y a une inspection des locaux de stockage des produits chimiques pour voir s'il n'y a pas d'incompatibilité. Ensuite, un suivi des CIP (Cleaning In Place) des différents organes de la brasserie (salle de brassage, cave, filtration, etc.) en analysant si les paramètres sont optimaux et si on ne peut pas améliorer le nettoyage tout en réduisant les coûts (tout ça en rentrant et en rampant dans les cuves). Enfin, je réalise l'inspection et le suivi des différentes machines du conditionnement (laveuses bouteilles, soutireuses, pasteurisateurs, stations de lubrification, etc.) afin d'optimiser la consommation des produits qui améliore le nettoyage et le rendement des lignes."

Avec tes connaissances, comment décrirais-tu le secteur brassicole africain en ce moment ?

Gilles Bastin : "Une question qui me revient souvent, c'est: "Ah bon, il y a tant de brasseries que ça en Afrique?". La réponse est OUI! Il y en a un paquet et certaines sont d'ailleurs largement plus belles et plus développées qu'en Europe. Je dirais, de par ce que je vois lors de mes visites, que le secteur brassicole se porte plutôt bien même avec la situation COVID actuelle. Mais comme dans beaucoup d’industries, il est contrôlé par quatre grands groupes : SAB Miller (AB InBev), Heineken, Castel & Diageo. Par conséquent, il y a ce qu'on peut appeler une "guerre de la bière" entre les différents grands groupes brassicoles mais cela n'empêche pas à de nouveaux arrivants de s'implanter dans les pays comme le groupe LIBS qui vient de construire une nouvelle brasserie à Ouagadougou au Burkina Faso. De manière générale, on retrouve énormément de Lagers mais également des brunes et stouts. Une petite anecdote que j’adore raconter sur une des bières au Gabon, c'est au sujet de la REGAB qui signifie normalement "Régie Gabonaise des Boissons" mais qui a pris une autre tournure dans le pays par leur façon de pinter et qui est donc devenu "Regardez les Gabonais Boire"... et je peux vous dire qu'ils ont une très bonne descente! Sinon, concernant les brasseries artisanales, je n'en ai presque pas vues et cela peut s'expliquer par le GROS marketing mis en place par les grands groupes et les prix très bas de leurs bières. Cependant, j'ai quand même pu goûter des bières à base de bananes et de sorghos qui sont excellentes via des recettes passées de génération en génération où on ressent une véritable passion pour le monde brassicole !"

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