Même si la remise des prix ne date pas vraiment d'hier et que nous refusons professionnellement de promouvoir trop de concours brassicoles, tentons à tête reposée une analyse d'une polémique récente. Résumons d'abord les faits: une bière à façon (la Tripick) a remporté une médaille d'or au concours 2017 des World Beer Awards. Fort de cette récompense, la marque a logiquement communiqué en mettant en avant cette victoire. Au point d'être relayé par la presse généraliste belge, sans vérification ou travail d'investigation. Certains médias, comme la RTBF, annonce même qu'il s'agit de la meilleure bière de Belgique. Ce qui pose plusieurs problème.
Une critique des concours
Les concours remettant des prix ou des médailles existent dans de nombreux domaines culinaires. Ceux-ci visent principalement à dégager de l'argent, simplement pour faire vivre le concours en tant que business. Les inscriptions sont donc payantes, ainsi que l'usage (en général) des médailles ou de la publicité lié à la récompense. Pour encourager un maximum de brasseries à participer (et donc à payer), les concours n'hésitent pas à créer des subterfuges pour contenter tout le monde. Certains attribuent des médailles de platine, d'or puis d'argent pour éviter de donner une médaille de bronze. D'autres commencent leurs notations à 50/100 comme le célèbre guide Parker pour les vins. Le World Beer Awards utilise une stratégie simple et répandue dans le milieu brassicole: la création d'une multitude de catégories permettant à pratiquement tous les participants de gagner.
Une critique de la Tripick
Ainsi, la Tripick, une triple belge brassée à la brasserie des Trois Fourquets (qui produit la gamme Lupulus) a gagné une médaille d'or dans la catégorie "lager forte belge". Les consommateurs avertis ont déjà compris le nœud du problème. Les lagers, bières de style allemand à fermentation basse, n'ont rien à voir avec les triples, blondes fortes belges à fermentation haute. En s'inscrivant dans cette catégorie, par mensonge (ou simple erreur comme se défendent les organisateurs du concours et les propriétaires de la bière), la Tripick était surtout assurée de n'avoir aucune concurrence. Il n'y a tout simplement pas d'autres lager fortes belges... Nous sommes également loin de la "meilleure bière de Belgique" puisque les catégories et sous-catégories récompensent d'autres productions nationales.
Quelle solution?
Pour éviter ce genre de subterfuge, les solutions restent multiples. S'informer, premièrement. Améliorer la crédibilité et le travail de fond des journalistes en passant par un recoupement des sources ou l'intervention de professionnels (comme nous, ou Happy Beer Time). En doutant systématiquement des prix et concours, qui ne sont que des coups de marketing et finalement en demandant des appellations protégées pour les styles de bière. Une volonté, surtout politique, pratiquement inexistante en Belgique (sauf venant de la communauté germanophone), alors que la France a déjà commencé à y réfléchir sérieusement.