Morphy 2020 Barrel Masters - Vol. Alcool : 9,3%
Pitch:
On clôture notre triptyque échiquéen avec une troisième et dernière dégustation de la série "Barrel masters 2020", mûrement sélectionnée pour vous faire saliver les papilles (pour rappel, cette série ne compte pas moins de sept bières). La brasserie anglaise Buxton nous gâte à nouveau avec la Morphy, qui tire son nom du joueur d'échecs américain Paul Morphy. C'est dans le courant du 19ème siècle que ce jeune prodige avait l'habitude de jouer à l'aveugle et se plaignait souvent du niveau assez bas de ses adversaires. Autant de fierté et d'audace que nous pouvons retrouver à l'état liquide dans cet Imperial Oatmeal (farine d'avoine) Stout avec addition de framboises et de lactose, le tout vieilli dans un Scotch Quarter Cask. Hérité du 19ème siècle lui aussi, le Quarter Cask est un fût de petite taille ayant contenu du bourbon. Souvent réutilisé pour faire vieillir des whisky tourbés (comme par exemple le fameux Laphroaig), cet affinage lui offre un contact accru avec le chêne. Les échanges entre le bois et le whisky sont décuplés afin de garantir une imprégnation rapide du spiritueux et ainsi influencer grandement ses arômes finaux. Les brasseurs ont également souhaité faire double emploi avec un rappel du traditionnel "Cranachan", un dessert Ecossais à base de crème, de whisky, de framboise et d'avoine. Voyons maintenant ce que cet imbroglio d'informations et de saveurs vont procurer à la dégustation.
Dégustation
Passons la robe noire aux reflets marrons somme-toute assez classique pour nous focaliser sur le nez qui dégage des premiers arômes de tourbe grasse suivi d'une pointe iodée. Le côté fumé de cette tourbe vient accentuer les quelques émanations salines. On bascule ainsi entre des arômes de bacon et de sauce soja, accompagnés d'effluves plus empyreumatiques (famille d'arômes) comme la braise de barbecue et le goudron. Les framboises, timides, viennent néanmoins envelopper ces arômes bruts et champêtres par leur douceur fruitée et subtile. Les malts, avec leurs parfums sucrés de caramel, chocolat noir et raisins secs, s'entremêlent de façon homogène avec les notes tourbées pour procurer occasionnellement de légères vapeurs plus médicinales de sirop pour la toux. En bouche, c'est finalement assez souple, avec une texture soyeuse et une effervescence quasi-inexistante. Le breuvage opère efficacement avec une belle osmose entre la framboise (plus présente en bouche), le côté rustique de la tourbe et le profil torréfié du stout. L'équilibre est parfait ! La gorgée est douce et descend sur des notes d'acidité lactique et plus amères de grain de café avec une retro-olfaction de whisky et de pain brûlé. La longueur est incroyable avec une sensation tourbée persistante sur le palais. On aura vite fait d'oublier la comparaison avec le fameux dessert écossais (pour peu qu'on le connaisse) afin de se concentrer uniquement sur cette bière alambiquée mais excessivement bien faite. Âmes sensibles, s'abstenir !
Alain De Bouvère