Les bières Martin's Pale Ale, IPA et New England Pale Ale deviendront brassées à Anvers grâce à une collaboration entre l'Antwerpse Brouw Compagnie (ABC) et le groupe Anthony Martin. Ce retour historique prend forme dans les cuves de la brasserie anversoise qui produit la bière Seef. C'est également l'occasion de retracer l'histoire familiale d'un géant belge brassicole pourtant souvent méconnu :
"En 1909, à 24 ans, John Martin quitte son Angleterre natale pour s’installer dans le port d’Anvers. Là, il lance rapidement son entreprise de boissons, qui fabriquait et importait différentes boissons internationales (le whisky écossais Dewar’s, les limonades anglaises Globe, Schweppes). Le jeune John Martin ne tarde pas à remarquer que la consommation de bière est aussi importante en Belgique qu’en Angleterre. C’est ainsi qu’il commence à importer des bières de spécialité anglaises, écossaises et irlandaises en fût de chêne. D’abord Guinness depuis Dublin et la Bass Pale Ale depuis Burton-On-Trent et plus tard Gordon depuis Édimbourg. Le succès est tel qu’il installe, toujours à proximité du Port d’Anvers, au 105 de l’Everaerstraat, sa première ligne d’embouteillage. Après un trajet de quatre jours en bateau en fûts de chêne, les bières devaient être embouteillées le plus rapidement possible ! C’est ainsi qu’Anvers est devenue le foyer de nombreuses bières anglaises qui sont devenues populaires en Belgique au début du 20ème siècle. Plus vieil importateur de Guinness au monde (depuis 1912), John Martin sera même autorisé à développer sa propre variante belge, adaptée au public belge, mais brassée en Irlande ! Cette bière, la Guinness Special Export est, encore aujourd’hui, connue internationalement comme ‘La Guinness d’Anvers’.
La Première Guerre Mondiale marque un coût d’arrêt au développement de l’entreprise « Martin & Co » ainsi que de nombreuses petites brasseries d’Anvers. Après la guerre, John Martin devra pratiquement tout recommencer de zéro, reconstruira ses installations sur Everaerstraat et installera sa famille à Borgerhout, à deux pas du Zoo d’Anvers. En mai 1940, la famille Martin’s quitte Anvers pour servir son pays, juste avant l’occupation de la ville par l’armée allemande. Les occupants cataloguent logiquement les entreprises Martin aux mains de Britanniques comme des « entreprises ennemies » et l’usine sera réquisitionnée pour y embouteiller de la bière allemande Beck’s. De son exil, John Martin rapportera le Pale Ale « Bulldog », une référence à Churchill, qui connaîtra un franc succès. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1958, la bière fut rebaptisée Martin’s Pale Ale. Le marché belge y fera référence comme à la « Pale Ale d’Anvers ». Avec ce succès, le rêve surgit de ramener la bière complètement à la maison et de la brasser à Anvers, où tout a commencé. Un rêve qui sera finalement réalisé par le petit-fils de John : Anthony Martin.
L’Antwerpse Brouw Compagnie (ABC), brasserie locale et indépendante, fût fondée il y a 10 ans, par le couple Johan Van Dyck et Karen Follens, grâce notamment au support de 1.000 crowfunders ! La mission de la brasserie est de redonner vie à l’histoire brassicole d’Anvers et de remettre Anvers sur la carte, en tant que ville de la bière. Depuis sa fondation, ABC s’est construit une solide réputation en Belgique et à l’étranger avec sa gamme de bières uniques. Le monde de la bière est petit, et c’est ainsi qu’Anthony Martin et Johan Van Dyck – qui se connaissaient depuis des années en tant que collègues brasseurs – se sont retrouvés autour d’un verre de bière. Leur passion commune pour la bière a conduit les deux entrepreneurs, Anthony et Johan, à décider avec beaucoup d’enthousiasme de réaliser ce rêve vieux de plusieurs décennies : ramener les bières Martin’s à la maison, à Anvers. Et en même temps, mettre Anvers encore un peu plus sur la carte du monde de la bière.
Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. L’expertise de l’Antwerpse Brouw Compagnie et de la famille Martin’s a été sollicitée. Plusieurs brassins d’essai ont été réalisés, à une échelle de plus en plus grande. Les recettes actuelles ont été comparées à d’anciens documents, des panels d’essai ont été organisés, des tests de fermentation et de houblon ont été effectués. Dans tout cela, la « mémoire de la bière » d’Anthony a été utilisée comme boussole."
