Les brasseries industrielles recouvrent le globe d'unités de production. En s'adaptant aux goûts locaux et souvent en fermant les yeux sur des pratiques immorales ou même illégales. Souvenez-vous, Carlsberg était accusé d'empoisonner l'eau népalaise... Heineken, cible d'un livre écrit par Olivier van Beemen, aurait carrément participer au génocide rwandais il y a 24 ans (et qui fit plus de 800 000 victimes)...
Fruit d'un travail de terrain long de sept ans, avec plus de 400 témoins, le journaliste néerlandais accable la société de son pays natal. Heineken, en position de monopole au Rwanda et bien présent au Burundi, alimente alors la foule sur place ainsi que les militaires via sa société Bralirwa. En 1993, l'ambiance dégénère fortement avec la propagande de Radio Mille Collines (tristement célèbre pour ses appels au génocide)... diffusée dans les locaux de la brasserie où circule également des listes de Tutsis (la minorité qui sera massacrée). La direction n'agira pas.
Lorsque la guerre civile éclate, la direction s'en inquiète fortement. Surtout lorsque les employés Tutsis se font massacrer et que des bains de sang surviennent autour des sites de production. Un employé Néerlandais tente même de cacher une famille chez lui, qui finira malheureusement tué et mettant en cause la neutralité des expatriés présents sur place. La brasserie de Gisenyi hébergera la dépouille du président rwandais assassiné (un prétexte au déclenchement du génocide) dans une de ses chambres froides sans que l'on sache vraiment pourquoi. La production ne sera pas arrêtée, les recettes fiscales de la vente de bière servant précieusement au gouvernement. Les militaires occupent les brasseries et en chassent les Tutsis.
Heineken délocalise sa gestion au Zaïre voisin. Les militaires de l'autre côté de la frontière, souvent ivres avec des bouteilles de bière à la main, se livrent à des crimes contre l'humanité. Pire, la bière acquiert des valeurs sociales et rituelles dans les groupes de milices (comme l'évoque le livre La saison des machettes). Une tuerie donne alors droit à des brochettes et des bières Primus.
Heineken n'a jamais voulu admettre l'étrangeté de continue d'alimenter en alcool un pays en proie à un génocide. D'anciens responsables de Bralirwa osent même un "les affaires sont les affaires".
Bralirwa n'est pas la Croix-Rouge. Si vous avez des matières premières, des bouteilles vides, des machines et suffisamment de personnel et qu'il y a une demande, alors vous devez produire. Vous pouvez même essayer d'augmenter la production pour répondre à toutes les demandes. Si vous ne le faites pas, vous courez le risque d’être considéré comme un saboteur. Cela n'aurait été que mauvais. Cela voudrait dire que nous étions du côté des Tutsis. Vous vous en rendez compte?
D'après la direction actuelle néerlandaise, les installations rwandaises étaient en réalité devenues autonomes pendant le conflit... En 2017, ils admettent qu'ils savaient que la bière était utilisé comme drogue de combat mais qu'ils n'avaient plus aucun contrôle sur les "employés radicalisés" qui auraient continué la production. Étrangement, ces employés resteront payés par Heineken. La direction actuelle au Rwanda réfute également ces élucubrations.