Avant tout, Stéphane Renard est un voyageur. Il a grandit dans une famille d’agriculteurs du Hainaut. Après s’être formé en électronique, en électromécanique et avoir travaillé dans le secteur, il se rend compte qu’il a besoin de revenir à la terre, de travailler avec ses mains et pas devant un ordinateur. Il retourne alors travailler avec son père dans leur entreprise de transport. Malheureusement, l’ouverture de l’Europe met un terme aux activités de la boîte.
C’est maintenant ou jamais. Stéphane part. Australie, Inde, Birmanie puis le Québec et l’Irlande. Après plusieurs années sur le route, il revient chez lui. Avec une certitude : il ressent le pressant besoin de devenir artisan. La bière s’impose à lui. Tout particulièrement les styles avec lesquels il a grandit : les bières traditionnelles belges, surtout les styles du Hainaut.
Il crée son projet en 2014 et s’installe en 2015 dans l’ancien hangar à pommes de terre familial qu’il rénove entièrement lui-même. La brasserie Nectar Bohème ouvre finalement en 2018.
Dans ses recettes, Stéphane cherche à retrouver les bières authentiques telles que sans doute étaient les bières industrielles quand elles étaient encore artisanales. Il crée deux gammes. Une autour du voyage parce qu’il reste dans l’âme un baroudeur et que, comme il le dit lui-même, le goût est un voyage. C’est sa série Bohème et les Petites balades. Son autre gamme, Paysanne, raconte ses origines fermières belges. La Saison en est l’exemple parfait : bière brassée par les fermes pour les paysans. Il commence à produire ses bières et les conditionne au départ en 75cl. Cependant le constat est rapidement tombé : même si la grande bouteille est faite pour le partage, la bouteille de 33cl est plus facile à vendre. La brasserie se tourne donc vers ce nouveau conditionnement et met de côté un gros stock de bouteilles de 75cl qui ne se vendent pas.
Stéphane est ensuite « découvert » par Vincent Callut, ce qui permet au brasseur de participer à l’édition 2019 du BxlBeerFest. Pour lui, c’est le début de la reconnaissance.
Nectar Bohème est, comme beaucoup, surprise par la pandémie. Cependant, étant seul dans la brasserie, Stéphane continue à travailler. Son stock de 75cl part en camion vers la France, où il a finalement trouvé un acheteur, quelques jours avant que tout ne ferme. Les nouvelles bouteilles de 33cl trouvent difficilement leur public vu la fermeture de l’Horeca. Mais la trésorerie se maintient malgré tout parce que de nouveaux points de vente, principalement des petites épiceries, lui achètent ses produits. Il a aussi la chance d’occuper un bâtiment familial et d’avoir ainsi un loyer bas. Cela lui permet de survivre.
Stéphane décidera d’exprimer son soutien à ses clients de l’Horeca en arrêtant de s’exprimer sur les réseaux sociaux. C’est une décision forte mais elle semble nécessaire à Stéphane. Il a besoin de prendre le temps de réfléchir. D’autant plus qu’il ne sait pas ce que l’avenir réserve à la brasserie.
Aujourd’hui, Stéphane créée de nouvelles bières. Il acquiert de nouveaux clients et voit enfin l’Horeca se tourner vers lui. Il commence aussi à exporter de plus en plus. Il exporte d’ailleurs plus qu’il ne vend en Belgique. Sans doute que le chemin de Nectar Bohème ressemblera à celui qu’a connu la brasserie De Ranke : être reconnue à l’étranger avant que ses compatriotes ne se rendent compte vraiment de la qualité des bières produites localement.
Dégustation
Alors qu’il passait juste nettoyer une cuve à la brasserie, Stéphane décide de rester sur place pour m’attendre. Nino l’a appelé en lui disant que j’arrivais. L’accueil de Stéphane fut simple, amical et généreux. Il me parlera pendant plusieurs heures, me présentera son papa et, si je le laissais faire, il m’ouvrait plusieurs bières.
J’ai opté pour une de ses dernières créations, « la bière des 50 ans Bio de la Roussellerie ». Faible en alcool avec ses 5 petits degrés, elle présente une magnifique robe blond dorée. En bouche, c’est toute la rondeur et le moelleux des céréales qui enrobe le palais avant de laisser place à une petite amertume. La particularité de cette bière est d’être brassée avec une céréale bio (de la ferme dont elle porte le nom) et qu’on retrouve finalement peu dans le milieu de la bière : l’engrain ou petit épeautre. Une très belle réussite dans la veine des saisons traditionnelles dont Stéphane et Nectar Bohème sont selon moi de très beaux représentants.