Plusieurs actrices françaises du monde brassicole s'unissent pour publier et cosigner une lettre ouverte réclamant plus d'inclusivité et exigeant des actions concrètes. Cette initiative que nous retranscrivons dans son intégralité et que nous rejoignons entièrement fait écho à notre plaidoyer, à notre ligne de conduite et notre volonté de récolter des données sur l'inclusion en milieu brassicole belge. Notez que les femmes sont invitées à signer la lettre ouverte !
Pour un monde de la bière plus inclusif : les professionnelles demandent des actions concrètes
Lundi 14 mars, le Syndicat National des Brasseurs indépendants a indiqué changer de nom pour devenir le Syndicat National des Brasseries indépendantes. Ce changement a été validé en assemblée générale extraordinaire par 94% des votant·es (309 oui, 19 non, 10 abstentions). Nous - les actrices du monde brassicole - ne pouvons que saluer cette modification demandée depuis plusieurs années, même si nous regrettons que ce vote n'a intéressé que 45% des adhérent·es du SNBi (qui compte quelque 750 membres environ).
Ce changement est pour nous un premier pas vers plus d’inclusion dans le monde de la bière, et nous espérons que d’autres organismes et associations lui emboîtent le pas.
L’actualité faisant état de nombreux dysfonctionnements dans le secteur brassicole à travers le monde nous pousse à vouloir aller plus loin. Car un changement d’habillage ne suffit pas, et des modifications plus profondes doivent avoir lieu au sein de toute la filière, pour un monde de la bière plus ouvert et égalitaire, réellement inclusif. Nos revendications concernent toutes les formes de discriminations : sexisme, racisme, validisme, transphobie, homophobie, lesbophobie, grossophobie. Alors maintenant, on fait quoi ?
Acteurs et actrices du monde de la bière, syndicats, associations, écoles et centres de formation, brasseries, cavistes, bars, vous pouvez participer à faire évoluer les choses.
- Nous croyons que le choix des mots n’est pas anodin. Ils ont un sens et un impact réels sur l’opinion publique et l’évolution des mentalités. C’est pourquoi nous demandons une forme plus inclusive des annonces de la part des différents organismes en privilégiant les termes “brasseries” “secteur/milieu brassicole” à “brasseurs”. Cela pour mettre fin à une écriture qui invisibilise les femmes et les communautés marginalisées.
- Dans le même esprit, nous souhaitons la fin des bières aux noms et iconographies discriminantes et dégradantes qui continuent d’exclure de nombreuses personnes du monde de la bière et donnent une image déplorable du produit. Nous encourageons les bars, distributeurs et revendeurs à refuser ces produits discriminants dans leur catalogue (certain·es le font déjà). À l’image de la Camra au Royaume-Uni, les syndicats et associations devraient réfléchir à ne plus accepter ces brasseries au sein de leurs organismes, à ne plus les programmer dans leurs festivals. Nous rappelons que cela n’est pas une question d’opinion ou de liberté d’expression. Le sexisme, le racisme ou encore l’homophobie sont des délits.
- Nous voyons chaque année de plus en plus de brasseries s’intéresser à une date symbolique (le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes) pour visibiliser les femmes du milieu. Très bien. Mais nous nous inquiétons de voir cela devenir purement performatif et rappelons que les femmes peuvent être visibles dans le secteur en dehors de cette date. Manifester son soutien à l’inclusion et la diversité, ce n’est pas seulement poster une photo de brasseuse le 8 mars. C’est créer un environnement sécurisant dans son entreprise pour donner envie aux femmes de postuler et d’y travailler, donner de l’argent aux associations dédiées, s’assurer que sa communication n’est pas destinée exclusivement aux hommes etc. Le féminisme washing n’a pas sa place ici.
- Nous en appelons aux syndicats pour mettre en place des formations, aussi bien pour leurs représentant·es qu’à destination des brasseries et professionnel·les de la bière sur les questions d’égalité et d’inclusivité, pour guider les entreprises lors de cas de harcèlements sexistes et sexuels et toutes les autres formes de discriminations. Car nous savons qu’il y a des besoins et des demandes, beaucoup en ont déjà fait part. Nous demandons également aux écoles et centres de formation de prendre en compte ces problématiques dans leurs cursus.
- Des brasseries, bars et festivals commencent à mettre en place des chartes de bonne conduite à destination de leurs salarié·es, leurs bénévoles et de leur clientèle, afin de s’assurer d’un environnement safe lors des différents événements, au sein des lieux de socialisation et des entreprises. C’est une très bonne chose et cela doit se généraliser. Les associations et organismes ayant un pouvoir politique fort doivent mettre en place des chartes claires, les faire signer à leurs adhérent·es et les afficher dans les différents lieux.
- Nous demandons également aux syndicats la création d’une procédure claire pour les entreprises en cas de problèmes de violences, de discriminations, de harcèlements etc. Une procédure de gestion des risques pour les discriminations doit être une priorité. Les problèmes existent déjà et les témoignages sont souvent recueillis bénévolement par des militantes qui n’ont aucun pouvoir sur la question. Si vos organismes n’ont jamais été mis au courant de tels faits, c’est que les victimes ne sont pas assez en confiance pour vous contacter. La création d’un bureau dédié (ou d’une personne référente) peut être une solution.
- Nous savons que si formations et créations de chartes il y a, de nombreuses actrices du milieu pourraient être sollicitées (et nous rappelons d’ailleurs l’importance de travailler avec l’expertise des personnes concernées sur ces sujets). Mais les femmes (et toutes les personnes) du monde de la bière ne veulent plus travailler gratuitement. Celles qui interviennent dans vos conférences, vos formations et vos groupes de travail doivent être rémunérées pour leurs compétences et leur expérience.
Les discriminations, le harcèlement au travail ou lors d’événements, les violences sexistes et sexuelles ne doivent plus être ignorés. Le secteur brassicole dans son ensemble doit montrer son soutien indéfectible auprès des femmes et des communautés marginalisées, les croire et les soutenir. Cela passe par la mise en place d’actions concrètes pour accompagner les victimes et prévenir au maximum les risques, tout en mettant fin à l’omerta qui règne dans le milieu. Nous ne voulons pas seulement être entendues : maintenant on passe à l’action.