hommes blancs

Pourquoi la bière belge reste un milieu d'hommes blancs ?

Dans les publicités, les festivals, les bars spécialisés, les brasseries ou chez les cavistes, le milieu de la bière belge se résume souvent et majoritairement à un public d'hommes blancs. Et même si le milieu des initiés s'en moquent, le slogan de la plus grosse marque de bière du pays "les hommes savent pourquoi" continue d'exister et de sponsoriser sans gêne la compétition nationale de football... Heureusement, les lignes évoluent doucement vers plus d'inclusivité ! Mais malheureusement, il est toujours impossible en 2022 de quantifier un minimum la représentativité du secteur brassicole ou d'étudier les causes sociologiques ou économiques qui pourraient écarter des pans entiers de la population belge de notre boisson favorite.

Commençons par chercher des sources et des chiffres pour obtenir une base de comparaison !

-Comme l'indique l'ouvrage "The origins of cooking" de la fondation El Bulli (longtemps meilleur restaurant mondial), la gastronomie et ses thèmes restent des sujets hautement populaires mais extrêmement peu étudiés ou documentés. Ce constat permet d'expliquer un manque criant de statistiques ou d'analyses concernant la bière et les brasseries en Belgique malgré leur importance à plusieurs niveaux (économique, social, culturel).

-La Brewers Association, organisme qui représente les brasseries artisanales aux USA, sort depuis quelques années des données représentatives du secteur. Sur un échantillon aléatoire de 500 brasseries membres, 93,5% appartiennent à des blancs et 75,6% à des hommes. Ces chiffres n'évoluent pas depuis le début de la collecte en 2018, malgré des efforts d'ouverture des brasseries américaines. Plus de détails sur ces statistiques par ici.

-Le Beer Writing Awards, célèbre remise de récompenses pour le milieu des écrivains spécialisés en bière, permet également d'observer des statistiques. Cette année 2021, sur les 42 récompensés, 31% furent des femmes et trois (donc 7%) des racisés. Notons ici une évolution positive (et donc une attention portée au sujet) par rapport à 2016 (7,5% de femmes primées, un seul racisé). Eoghan Walsh, qui nous aidera dans la future récolte de données, figure d'ailleurs en bonne tête de ces récompenses avec huit prix remportés.

-Les auteurs de l'ouvrage universitaire : "Beer and Racism - How beer became white, why it matters, and the movements to change it" s'interrogent sur ces statistiques aux USA et apportent énormément de témoignages qui permettent d'élaborer des causes et conséquence sociologiques et économiques à cette domination historique.

Malheureusement, ces données n'existent tout simplement pas en Belgique... Et plutôt que de partir sur des postulats sans preuves concrètes, Beer.be et Brussels Beer City s'associent pour créer la première base de données belge pour nos brasseries artisanales. Nous publierons nos statistiques pour Bruxelles, la Région Wallonne et la Région Flamande après un travail de récolte et de discussion avec les brasseries artisanales. Notre but n'est pas d'enfoncer des portes ouvertes ni de fustiger les acteurs du secteur que nous adorons mais bien d'apporter enfin une base statistique solide et comparative pour la Belgique.

Une première salve-test nous a permis de récolter les données des brasseries artisanales de Bruxelles, dont nous publierons les résultats prochainement. Mais avant toute chose, il nous semble important d'expliquer la démarche, les définitions de nos questions de recherche puis de nos statistiques.

  • Définir "brasserie artisanale belge" : notre sélection se basera sur la liste des brasseries belges, établie en 2021 par le site belge Zythos. Soit environ 400 brasseries que nous diviserons ensuite par région (Bruxelles, Flandres et Wallonie) en gardant exclusivement les artisanales (notion très difficile à définir : nous avons choisi d'écarter les brasseries dites industrielles dans le sens appartenant à un groupe comme AB Inbev ainsi que les brasseries à façon). Cet échantillon approchera le plus possible les 100% de représentation car un oubli, l'apparition d'une brasserie, ainsi que le refus de répondre au sondage pendant la récolte des données surviendront certainement.
  • Définir l'objet de l'étude : nos statistiques concerneront uniquement les dirigeants d'entreprise (personnes physiques inscrites comme administrateurs à la BCE) puis les travailleurs (employés et ouvriers) équivalents à des temps-plein dans les brasseries. La récolte de ces données se fait directement aux brasseries, de manière anonyme. Notons que les questions sont posées aux dirigeants des brasseries et que les réponses ne reflèteront pas forcément la réalité vécue par les travailleurs.
  • La première statistique permettra d'analyser le répartition de ces deux objets d'étude suivant le genre: masculin - féminin - autre.
  • La seconde statistique permettra d'analyser le pourcentage de racisés et de blancs parmi les deux objets d'étude. Par racisé, nous entendons plusieurs éléments nécessaires à définir : n'appartenant pas au groupe ethnique majoritairement au pouvoir en Belgique (de manière étendue: les blancs) et victime de racisme systémique. Ces éléments peuvent s'avérer floues, par exemple pour une personne venant d'un autre pays européen mais victime de racisme systémique en Belgique. La priorité se portera donc (le plus possible) sur leur propre souhait d'appartenance à une catégorie ou l'autre.
  • Notons qu'après la première salve, nous adapterons nos questions et la présentation de cette étude avant la récolte en Wallonie et en Flandre d'après les retours des brasseries bruxelloises. Plusieurs points problématiques sont, en effet, apparus et nécessiteront plus d'explications et d'attention dans le futur.

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