Le Portman Group, organisme professionnel d'auto-régulation du secteur de la bière au Royaume-Uni, s'en prend à la bière houblonnée légère Taras Boulba de la brasserie artisanale bruxelloise Brasserie de la Senne. En cause? Son étiquette, qui représenterait une violence sérieuse et enfreindrait donc une des règles de l'organisme britannique. Plus précisément, il s'agirait d'une infraction au paragraphe 3.2 du code régulateur pour les bières vendues au Royaume-Uni. Ce paragraphe stipule que: “A drink, its packaging and any promotional material or activity should not in any direct or indirect way suggest any association with bravado, or with violent, aggressive, dangerous, anti-social or illegal behavour.”
Une case de bande-dessinée, fleuron de l'expression artistique belge, illustre bien cette bière dont le nom fait référence à une parodie du roman de Nicolas Gogol (paru en 1843). Dans l'histoire fictive originelle, une guerre entre les cosaques orthodoxes et la Pologne mène à des drames entre Tarass Boulba et ses deux fils. L'un de ces drames voit le fils du personnage principal trahir son père et sa patrie pour l'amour d'une polonaise. Cet épisode est détourné par l'étiquette, qui représenterait (selon la Brasserie de la Senne) le patriarche furieux et jurant en Brusseleir, prêt à envoyer un fût sur la tête de son fils qui a épousé une wallonne francophone.
Selon le Portman Group, cette représentation d'un acte violent doit être prise au sérieux et l'insulte en patois bruxellois peut également être un argument négatif pour la vente de la bière Taras Boulba au Royaume-Uni. La Brasserie de la Senne s'est défendue via plusieurs arguments. D'abord en jugeant la plainte comme étant ridicule, puis en expliquant que l'insulte reste largement incomprise, même en Belgique. Ensuite que l'illustration apparaît comme une évidente caricature humoristique, avec une parodie d'un livre et une inspiration venue du tableau Guernica (de Picasso), bien plus violents mais considérés comme des chefs-d'oeuvre. Enfin, la brasserie souligne que l'importateur anglais a vendu seulement 560 litres de la Taras Boulba l'année dernière, un volume très bas et que d'autres pays n'ont jamais souligné la violence dépeinte par l'étiquette de la bière.
Le Portman Group a entendu ces arguments et a effectivement jugé que l'insulte "smeirlap" ne posait pas de problème, en ce qui concerne le marché britannique. Concernant la violence représentée, le groupe n'a rien voulu entendre et juge que les expressions et la posture des personnages reflètent une violence forte et que le fût de bière utilisé crée un lien direct entre la consommation de bière et commettre des actes violents contre des personnes.
En Belgique, la décision peut sembler incompréhensible. Le Portman Group est souvent accusé de ne pas être réellement indépendant et de mettre des bâtons dans les roues des brasseries artisanales souhaitant vendre sur le marché du Royaume-Uni. Pour rappel, la Brasserie de la Senne avait déjà dû changer l'étiquette et le nom de sa bière noire Brusseleir suite à des accusations de racisme.