Misery résonne déjà dans la tête des fans de Stephen King... et cette pensée obscure s'intensifie lorsqu'on passe Liège pour se rendre au manoir de Harzé, incrusté au milieu des arbres. Près d'un feu de joie, un groupe s'affaire et des voix s'élèvent. Dans la tribu locale, Rémy et Samia nous accueillent pour nous parler de leur projet fou et titanesque: ouvrir une brasserie, un bar, un magasin et des chambres d'hôtes dans un ancien manoir entièrement retapé. Et après un tour des lieux, une entrevue avec les futures bières et une discussion avec l'équipe de passionnés... on voudrait presque finir enfermés dans une chambre chez eux!
Comment est apparue votre envie de brasser?
Rémy: "Il y a un lien avec mon histoire personnelle puisque mon grand-père et mon père, puis presque la totalité de ma famille, ont travaillé dans de grandes brasseries locales. J'ai également effectué mes premiers jobs étudiants dans des brasseries et j'avais déjà une forte envie de travailler dans le milieu brassicole depuis mon adolescence mais au final... je m'en suis éloigné parce que je voulais justement me différencier. Pour finalement y revenir, par passion mais aussi parce que mon père a perdu son job de manière assez violente et que je voulais l'inclure dans le projet".
Samia: "Je n'aimais pas beaucoup la bière avant de rencontrer Rémy (il y a quinze ans de cela), tout simplement parce que je ne la connaissais pas. Après des découvertes et des dégustations, on a commencé à brasser ensemble des petites quantités pour le plaisir. A l'époque, c'était difficile de trouver ce que nous cherchions au niveau de la bière artisanale, ne serait-ce que dans les rayons d'un supermarché. L'envie de brasser de plus en plus fut accompagnée d'une volonté de changer de vie. Nous avions tous les deux des vies bien rangées mais en ayant le sentiment de perdre un temps précieux. Alors qu'aimer ce qu'on fait, ça vaut tout l'or du monde. Et on souhaite prouver à nos enfants qu'avec peu mais beaucoup de volonté et de passion, on peut réussir un projet fou."
Comment êtes-vous tombés sur le manoir?
Samia: "Rémy hésitait à chercher un lieu dans la ville de Liège. Mais pour moi qui ai toujours habité à la campagne, c'était inenvisageable et j'ai poussé à étendre nos recherches dans la province. On a visité énormément de bâtiments et au bout de deux ans, le manoir que Rémy connaissait déjà depuis son enfance est apparu comme une solution pour combiner la brasserie mais aussi notre logement."
Rémy: "Je connaissais bien la région et c'est le seul bâtiment qui remplissait tous nos critères. Mais le manoir était dans un sale état après plus d'un an de tentative de vente. En étant isolé près de la forêt, nous avons également eu l'envie de pouvoir proposer un logement aux visiteurs dans un souci d'accueil mais également pour éviter les risques au volant après un long passage dans notre bar."
Samia: "Le manoir offrait d'autres possibilités d'activité que la brasserie et a également un autre grand atout: il possède sa propre source d'eau. On cherchait aussi un bâtiment avec du cachet pour avoir une identité forte et on a foncé sur le manoir."
D'où vient le nom Misery?
Rémy: "Au départ, on pensait s'appeler Manoir Beer Company. Mais en fait, j'ai une passion pour les romans de Stephen King. Quand on a visité le manoir, il neigeait et ça m'a rappelé l'ambiance des livres que je lisais quand j'étais adolescent et que j'habitais le coin. On a aussi retrouvé des graffitis mentionnant le mot Misery dans le sous-sol, de la période où le manoir servait de QG pour les alliés (après un passage des Allemands). On a rapidement utilisé le nom pour lancer le plan financier, les ébauches du financement participatif mais au fond, on l'a aussi gardé parce qu'il fait cogiter les gens et qu'il représente assez bien le parcours du combattant pour lancer une brasserie."
Quelles bières allez-vous proposer au public?
Samia: "Au début, nous souhaitions brasser uniquement des bières en fermentation spontanée. On a souhaité s'ouvrir à d'autres styles, moins traditionnels en Belgique, après des stages au Québec et aux USA. Nous utiliserons également beaucoup les barriques car nous aimons le caractère du bois et son impact sur l'évolution de la bière. Cette gamme portera le nom du Manoir de Harzé, uniquement disponible en grandes bouteilles et en édition plus limitée. On souhaite respecter le rythme des saisons et les produits locaux, les bois environnant proposant beaucoup de produits intéressants à travailler."
Rémy: "Notre première bière de soif est une grisette, qu'on déclinera avec des vieillissements dans notre foudre. On sortira également une India Pale Ale inspirée de nos découvertes au Vermont. La Holy Molly sera la Pale Ale de la brasserie et servira de bière d'appel dans la région pour attirer le public au manoir. Notre Stout vieilli en fûts de chêne complète cette première série."
L'inauguration officielle se déroule ce premier août 2020, en comité restreint (pandémie oblige) et sur inscription uniquement. Les informations se trouvent ici. Notez qu'un bus partira de Bruxelles pour relier la capitale à la brasserie pour l'occasion! Ensuite, à partir du 5 août, la brasserie sera ouverte du mercredi au dimanche (les horaires seront annoncés sur facebook).