L'histoire de Heineken en Afrique est aussi expansive que cruelle. Fort de plus de seize brasseries sur le continent africain, le géant brassicole aurait joué un rôle dans le génocide Rwandais comme nous vous l'évoquions en 2018. Le livre d'Olivier Van Beemen évoquait aussi l'emploi de prostituées pour booster les ventes au Nigeria, ou le travail des enfants au Burundi. Cinq après après la parution de l'enquête, et des concessions promises par Heineken, c'est une nouvelle enquête du média africain "The Continent",toujours menée par Olivier Van Beemen, qui vient plonger le groupe dans la tourmente.
En février 2013 commence la construction d'une nouvelle brasserie Heineken à Kilinto, un petit village en périphérie de la capitale éthiopienne. Vendue comme une aubaine pour l'emploi local, ce sont finalement près de 200 villageois qui ont été expulsés de chez eux pour céder leur place à la nouvelle brasserie. Heineken a indemnisé les agriculteurs touchés avec une somme en liquide et de nouveaux terrains... un dédommagement jugé bien inférieur à la valeur des terres qui leur ont été volées. L'un d'eux a par exemple été contraint de céder son terrain de 1000m² pour hériter d'une surface de 50m² à peine. La somme "offerte" par Heineken était bien trop faible pour se racheter une maison...
Le village, purement et simplement rasé par le géant brassicole, a occasionné de nombreux dégâts, physiques comme psychologiques. Entre familles se retrouvant à la rue, menaces et violences policières, ainsi que des blessures morales liées à un déplacement forcé. Les plus récalcitrants ont été torturés jusqu'à obtenir leur accord. Une issue d'autant plus amère que plusieurs des déplacés travaillent aujourd'hui dans la même usine qui s'est imposée sur leurs terres... Les habitants ne sont toutefois pas tant en colère contre le groupe néerlandais que contre leur gouvernement, ayant autorisé la construction de la brasserie.
En effet, selon le droit éthiopien, toutes les terres du pays appartiennent à l’État. Les entreprises étrangères doivent louer les terres au gouvernement, c'est donc l’État qui doit reloger et indemniser les personnes qui vivent sur place. Un véritable mouvement "néocolonialiste" auquel le gouvernement éthiopien participe de bon gré. Depuis 2008, environ 7 millions d’hectares ont été loués à des investisseurs, la plupart du temps sans consultation préalable avec les populations locales, et sans compensation adéquate... ou pas de compensation du tout.
Heineken a déclaré à ce sujet : "Nous sommes préoccupés par les allégations de violations des droits de l’homme et, bien que nous n’ayons pas été directement impliqués dans le processus de relogement, nous allons essayer de comprendre ce qu'il s’est passé et trouver des preuves de mauvais traitements. Si c’est le cas, nous nous rapprocherons des autorités compétentes pour comprendre quelles actions peuvent être menées pour résoudre ce problème.” Une réponse prudente alors que la brasserie est un vrai succès commercial pour Heineken, jouant des coudes avec son concurrent français Castel pour la place de numéro 1 sur le marché éthiopien.