Lorsqu'on visite une brasserie ou un bar, le rôle de la femme se limite bien trop souvent au service ou à un joli sourire sur une étiquette. Pourtant, la bière doit sans doute son apparition et certainement sa popularité aux femmes. A quel moment ont-elles perdu la main et pourquoi?
Pendant des millénaires, les femmes utilisèrent les céréales pour fabriquer du pain ou d'autres aliments... dont la bière! Alors nourricière et associée à des divinités féminines (cf. notre introduction sur les clichés machistes entourant la bière), la bière fut également un puissant symbole de fertilité et une offrande des prêtresses païennes aux dieux. Cette symbolique forte demeure, avec par exemple l'imagerie associée au style "saison" et aux récoltes dans les champs mais également dans cette aura de "pain liquide" encore visible dans certaines vieilles publicités (ou sur le tout nouveau t-shirt de la brasserie bruxelloise En Stoemelings). Les bières de nourrices (bourrées de vitamines) pouvaient encore se trouver en pharmacie jusque dans les années 50!
Le moment de crise survient au Moyen Age, comme pour d'autres domaines (la production de vin, par exemple). Apparaissent à ce moment-là une professionnalisation des métiers et la création de corporations dont sont exclues les femmes. De plus, le clergé, alors aussi puissant que l'armée ou le souverain, s'accapare la production de l'alcool et relègue les brasseuses dans la cuisine ou derrière le bar... En tant que consommatrices, il nous faut revenir dans les années 50 pour trouver une explication à la disparition des femmes. Les grosses industries achètent et fusionnent des milliers de brasseries artisanales, déplaçant la distribution vers les grandes-surfaces et les bistrots. Hors les femmes ne fréquentent que rarement les estaminets et se contentent donc d'en acheter lors des courses. Les publicitaires renforcent cette sortie, jusqu'à nos jours ("les Hommes savent pourquoi", mais Jupiler sait-il pourquoi 50% de ses acheteurs sont des... femmes?) La bière perd son attrait social et festif pour la moitié de la population mondiale.
Logiquement, l'apparition de nouvelles brasseries artisanales et d'une renaissance brassicole permettent aux femmes de revenir dans le monde de la bière. Parfois comme professionnelles (Elisabeth Pierre est l'une des seules zythologues reconnues de France, pensons aussi au travail de l'association belge Bière des femmes ou à la présence d'une brasseuse chez Orval), mais aussi comme consommatrices. La redécouverte de goûts, de recettes et le partage de la bière lors d'événements plus ouverts, replacent la femme à sa place: entourée de ses amis avec une bonne bière dans la main!