La majorité des amateurs de bières belges connaissent déjà la Brasserie Caulier ainsi que sa bière Paix Dieu : une triple brassée les soirs de pleine lune et dont l'étiquette comporte d'ailleurs toujours de manière amusante l'information concernant cette phase lunaire temporaire. Visiblement, le propriétaire de l'abbaye de la Paix Dieu vient de se rendre compte que le nom de la bière ne lui convenait pas du tout puisqu'il entame une action en justice contre la brasserie péruwelzienne mais surtout contre son utilisation commerciale du nom Paix Dieu.
Mais qui se cache derrière cette action en justice ? Alain Labaye est le propriétaire de la société anonyme (SA) Paix Dieu qui loue depuis 1988 une salle dans un lieu appelé abbaye de la Paix Dieu, à Amay (province de Liège). Il saisit le tribunal de l'entreprise de Liège afin d'acter qu'il n'a jamais donné le droit à Caulier d'utiliser le nom de sa société ou de son lieu d'activité et donc d'ordonner la fin de l'utilisation commerciale de Paix Dieu pour vendre de la bière (sous peine d'astreintes). Monsieur Labaye va même plus loin dans son argumentation juridique puisqu'il estime qu'une bière utilisant le concept de "bière d'abbaye" doit prouver son lien sous la forme de versements de royalties et d'une autorisation explicite pour utiliser le nom.
Pour rappel : rien n'encadre juridiquement l'utilisation de la mention "bière d'abbaye" en Belgique (contrairement au label et logo Authentic Trappist Product). La plupart des bières d'abbaye n'est d'ailleurs pas brassée dans une abbaye, ni en lien avec celle-ci. Souvent, l'abbaye en question n'existe carrément plus. Difficile donc de justifier un lien légal et des paiements vers... des tas de pierres.
Vincent Caulier, actuel CEO de la brasserie qui porte son nom répondait à la presse : "Notre marque est en conformité avec la législation en vigueur. Nous travaillons activement à résoudre cette situation dans un esprit de coopération et de respect mutuel." Une première rencontre entre les deux partis semblent n'avoir rien donner de concluant.
Cette action tardive proviendrait d'une confusion autour du nom Paix Dieu auprès de l'Institut du patrimoine wallon (IPW), rattaché à l'Agence Wallonne du patrimoine (AWAP). L'institut régional occupe en effet une partie du bâtiment de l'abbaye de la Paix Dieu avec son Centre des métiers du patrimoine. Dans le cadre d'une série de rénovations importantes du site entre 2008 et 2020, l'IPW avait lancé un appel d'offres pour la création d'une bière que vous connaissez désormais : la Paix Dieu de Caulier. Du coup, l'IPW avait-elle le droit de fournir l'accord d'utilisation du nom du lieu pour vendre une bière ? Verdict au tribunal début de l'année prochaine.