Je suis arrivée à la Brasserie des Légendes après un beau détour depuis l’endroit où j’avais posé ma tente la veille. Le chemin me semblait facile, j’avais décidé de faire ces quelques derniers kilomètres de façon relax, notant juste les deux ou trois embranchements. Et je me suis lamentablement égarée. En fait, ce n’était pas bien grave. La campagne athoise est magnifique et les canaux invitent à la balade.
A mon arrivée devant le (plus si) nouveau bâtiment de la brasserie, le site me semble bien calme. Heureusement pour moi, tout le monde n’était pas encore en vacances. Et Bérangère Hotton, commerciale, a pu m’accueillir et prendre le temps de la discussion.
Elle me rassure d’entrée de jeu : l’année 2020 aura été moins catastrophique que prévu. La Brasserie a pu faire le constat que les produits des Légendes ont continué à être vendus, sans doute pour être consommés à la maison. C’était par exemple le cas en France où les cavistes ont mieux fonctionné que d’habitude.
Selon Bérangère, les clients semblent considérer les bières de la brasserie plus comme des bières de dégustation que de consommation de masse. Et c’est pour elle un signe qu’elles plaisent.
Tout ça ne signifie cependant pas que la brasserie n’a pas remarqué de baisse des ventes. La fermeture de l’Horeca a bien évidemment eu un impact. Mais, dans la région, nombre d’épiceries fines ont ouvert et cherché à vendre des produits locaux. La création d’un nouveau réseau de distribution lié à ces épiceries a aidé à compenser une partie des pertes. C’est déjà ce que me disait Stéphane de Nectar Bohème.
La Brasserie a aussi diversifié ses points de vente en étant présente sur une série de marchés locaux où elle n’allait pas auparavant. Elle a aussi sauté sur l’opportunité de la ville d’Ath quand celle-ci a créé une boutique en ligne ne vendant que des produits du coin. Ces différents éléments ont permis de créer une belle visibilité pour la Brasserie.
Ainsi, la Brasserie des Légendes a pu traverser cette période de Covid plus ou moins correctement. Il est évident que les aides de crise ont pu permettre de s’adapter à ces circonstances particulières. Par exemple, l’équipe en charge des visites à la brasserie a pu bénéficier du chômage Covid.
Et comme partout ailleurs, cette période a aussi été le moment d’investir dans des projets qui restaient encore dans les carton. Comme pour d’autres brasseries que j’ai interviewé (‘t Verzet, Alvinne par exemple), la pandémie a permis d’accélérer la mise en place d’un "webshop". Comme le dit Bérangère, même si on a la volonté de respecter son réseau de distribution, quand il est à ce point atteint et diminué, il faut bien continuer à vendre.
Et puis, cette période un peu plus calme a été l’occasion de se lancer dans quelques brassins exceptionnels. Il y a eu la bière à l’Eau de Villée[1]. La bière, sobrement appelée la Villée, existait. Mais la brasserie a souhaité lui donner une nouvelle image, plus dynamique, plus jeune. On a donc changé la recette (dorénavant plus une Weisse qu’une blanche) et changé la bouteille (plus de verre mais de l’aluminium). Vous l’avez goûtée ?
Ensuite, il y a aussi eu la collaboration avec la Brasserie De Ranke. Comme me le disait Nino, cette bière est le résultat du mariage évident de deux savoir-faire au centre de la bière : d’un côté les fleurs de houblon et de l’autre l’orge. Je rebondis sur ceci pour poser une dernière question. La pandémie a-t-elle eu un impact sur la ferme céréalière des Légendes ? Comment l’entreprise a-t-elle pu gérer la baisse de production côté brasserie et la vie normale de la ferme ?
Bérangère me rassure : la pandémie n’a pas vraiment eu d’impact sur la ferme. Les grains non-utilisés ont simplement été stockés. Comme la brasserie fait transformer ses céréales à la Malterie du Château à Beloeil (on reste en circuit court), il a suffi de continuer à faire malter en fonction des besoins de la brasserie. Par contre, à partir du moment où les mesures sanitaires ont diminué et où tout le secteur brassicole à recommencer à produire presque normalement, la brasserie a constaté des délais de torréfaction de plus en plus longs. Le temps, sans doute, que toute la chaîne se remettre en marche normalement.
Je quitte Bérangère qui part en clientèle avant de faire comme le reste de ses collègues et prendre quelques jours de repos. Moi, je profite de l’ombre offerte par le splendide bâtiment de la Brasserie – écologique qui plus est – pour pique-niquer avant de me mettre en route vers la gare de Ath et de rentrer chez moi.
La Brasserie des Légendes était la dernière étape sur ma route des brasseries de l’été 2021. Qui sait ce que l’été 2022 apportera ?
[1] Si vous ne le savez pas, la Brasserie des Légendes a racheté en 2019 la distillerie de Biercée.