Visite du Belgian Beer World

Notre visite du Belgian Beer World

L'idée aura eu le temps de faire son bout de chemin, mais il est enfin là : ce musée de la bière belge ! Nous avons été conviés à une visite en avant-première pour découvrir le fameux "Belgian Beer World", le fruit d'une dizaine d'années de travail à Bruxelles. L'occasion d'une présentation guidée par le directeur de la Fédération des Brasseurs Belges, Krishan Maudgal, deux petits jours avant l'ouverture officielle.

Avant toute chose, la conférence de presse revient sur la genèse compliquée du projet, mais aussi la fierté d'avoir mené ces coûteux travaux à bien. On notera l'absence d'acteurs directs du milieu brassicole, à l'exception de M. Maudgal. Ce sont diverses personnalités politiques, majoritairement bruxelloises, qui prennent la parole pour expliciter les tenants et aboutissants de ce nouveau musée luxuriant. Philippe Close, bourgmestre de Bruxelles, assume les défis de ce chantier pharaonique, tout en balayant les critiques déjà formulées de nombreuses fois : "promouvoir et célébrer la bière belge n'a pas de prix", a t-il encore déclaré, avant de donner la somme de 90 millions d'euros comme tarif final de ces rénovations. Le projet avait également été décrié pour son utilisation de fonds provenant du Plan de Relance post-covid. Le musée a aussi connu de nombreux retards, avant de finalement débuter le gros des travaux en 2020. Le léger retard de deux mois par rapport à la date prévue est aussi explicité : un simple désir de prendre son temps et de peaufiner les derniers détails (tout en loupant la saison touristique).

Surviennent les questions qui fâchent : où sont les brasseries artisanales, bruxelloises notamment? Et est-ce que les styles, histoires et communautés brassicoles d'autres pays font partie intégrante du musée? La seconde question trouve une réponse simple et directe de la part de M. Maudgal : des expositions temporaires pourront faire la part belle à d'autres traditions brassicoles à l'avenir. Le souhait de mettre avant tout en lumière notre propre patrimoine (matériel ET immatériel) est à nouveau mis en avant par M. Close, ne lésinant pas en éloges concernant l'histoire et la beauté du bâtiment historique de la Bourse de Bruxelles. Ce dernier, rénové dans un mélange de tradition et de modernité, impressionne par sa grandeur autant que ses nombreux détails. Le souhait était aussi de rendre sa gloire à cette structure mythique, le bâtiment ayant été quasi-inaccessible et pourtant connu de tous pendant bien des années. Au delà du Belgian Beer World,  l'envie de rendre à nouveau public cet espace riche d'histoire et de symbole était aussi l'un des paris relevés par la classe politique. Philippe Close parle d'une sorte de "galerie", qui permettrait de joindre la Grand-Place et le piétonnier en traversant la Bourse.

Première salle de l'exposition, dédiée à la "belgitude" et le côté spécifique de la bière belge

L'autre question est plus délicate : Krishan Maugdal évoque le rôle des Brasseurs Belges en tant que représentants de toutes les brasseries du pays, et le musée comme une ode à leur travail et à leur créativité. Il ajoute qu'il souhaitait éviter un combat entre "petits et grands brasseurs", avec un musée qui les célébre tous. Le résultat est néanmoins là : les brasseries artisanales sont pratiquement absentes de toute la scénographie, et même le "hall of fame" reprenant diverses bouteilles accompagnées de leur verre est désespérément dénué de produits issus de brasseries plus modestes et contemporaines. Quant on sait que la facture comprend divers financements de la part de brasseries elles-mêmes, il n'est guère étonnant de voir si peu de petites structures rejoindre les allées du musée. Ainsi, Bruzz évoquait il y a peu une note salée de 1500€ pour l'ajout d'une simple bouteille et d'un verre au sein des vitrines... Un prix forcément conséquent pour une petite brasserie. Entendre M. Maugdal proclamer que le mouvement craft "est originaire de la Belgique" fait également quelque peu sourire, tant l'influence américaine (très inspirée de nos styles traditionnels, certes, mais pas que) se fait ressentir jusqu'au coeur des grands groupes brassicoles, se risquant à l'exercice de l'IPA par exemple...

Quelques ultimes travaux ont encore lieu pour présenter les bières et leurs verres dédiés

La visite guidée est ici exceptionnelle. Les visiteurs seront pleinement autonomes au moment d'arpenter les différentes salles du musée, réparties sur trois étages. Au nombre de six, les sections sont sobres, épurées, lumineuses, et proposent une scénographie dernier-cri où le spectacle et l'interaction sont omniprésents. Il est possible de toucher un écran pour voir apparaître les différentes caractéristiques de l'un ou l'autre style. Ou bien de sortir un livre d'une bibliothèque virtuelle pour en apprendre plus sur le houblon et ses différentes variétés. Une plus petite salle, baptisée "Yeast Theater", joue en boucle une présentation amusante sur les levures, leurs spécificités et leur rôle. Chacun des murs, mais aussi le sol, se recouvrent de visuels bariolés pour nous plonger au coeur d'un fermenteur, et de l'air chaud ou froid vient mimer les conditions favorites de ces différentes souches. Une gigantesque tête virtuelle propose aussi d'interagir avec "les pensées du brasseur (NDLR : et brasseuse?)", soulignant le caractère humain et inventif derrière chaque brassin. Moins remarquable : les "barmen virtuels" vous proposent de répondre à quelques questions après présentation de votre ticket d'entrée. Les questions sont simples : votre gâteau préféré, vos vacances de rêve ou encore le type de restaurant qui vous met l'eau à la bouche. Un choix parmi six propositions pour chacune des questions. Il en résulte une carte de possibles choix de bières qui pourraient vous plaire. Quelque peu réducteur, il aurait été sans doute bienvenu de fournir quelques notions de beer pairing, ou a minima quelques notes de dégustation pour chacune des bières proposées.

En plus de présenter un vaste panel de bières différentes, cette salle invite les visiteurs à découvrir les références qui leur conviennent le mieux

On progresse entre les salles de manière très linéaire, du bas vers le haut du bâtiment. On alterne entre la grande histoire de la bière (dans nos contrées comme dans sa globalité), ses évolutions (notamment techniques), mais aussi sa production. Le tout en étant suffisamment précis tout en n'allant pas dans les détails les plus pointus ou superficiels. Les plus beer geeks d'entre nous n'apprendront sans doute pas grand chose, mais nul doute que même un amoureux de bière variant volontiers les plaisirs apprendra sans doute l'une ou l'autre anecdote sur le passé ou la confection de son breuvage de prédilection. Entre plaques anciennes et plans de houblons, la décoration est toujours modeste, mais élégante. L'ultime salle propose de jeter un œil sur le rayonnement de la bière belge à l'étranger, l'occasion de rappeler que près de 70% de notre production est dédiés à l'exportation. Une salle pensée pour les réseaux sociaux, puisque une grande mappemonde virtuelle affichera en direct les tweets et posts comportant le tag du musée.

Si la visite offre de nombreux panoramas impressionnants sur l'intérieur du bâtiment de la Bourse, le clou du spectacle réside sans doute dans le Skybar, le bar en rooftop du musée, judicieusement placé en clôture de visite. Si l'étage reste plutôt austère avec ses chaises en métal rouge et son bar tout en bois, sans grande fioriture décorative, la vue du centre-ville vaut très clairement le détour. Il est possible de déambuler tout autour du toit, pour une vue panoramique particulièrement magnifique en cas de plein soleil. La carte est plutôt exhaustive, le bar comptant pas moins de 40 lignes différentes pour étancher votre soif. Mais inutile sans doute de préciser que vous ne trouverez rien de particulièrement atypique. Un ultime arrêt attend les visiteurs qui le souhaitent : l'obligatoire boutique de souvenirs du musée ! En vous rendant au -1, vous pourrez vous procurer des t-shirts, des décapsuleurs ou des sous-bocks à l'effigie du Belgian Beer World. Mais aussi quelques bières ou, moins commun, du chocolat confectionné avec du malt.

La vue depuis le Skybar du Belgian Beer World

Au prix de dix-sept euros la place adulte, la visite parait toutefois un petit peu courte. Une heure ou une heure et demie grand maximum pour tout voir en prenant son temps. Nul doute toutefois que la présentation y est pour beaucoup, et on ne pourrait prétendre que la scénographie n'impressionne pas par sa technologie ou ses traits d'humour . Les différentes personnalités présentes ont toute souligné l'autodérision et la modestie caractéristiques des belges, mais déplorent le manque d'ambition qui peut en découler parfois. Ce nouveau et fastueux musée, situé dans une bâtisse elle-même grandiose, se place donc comme un symbole de fierté pour notre plat pays (dont le musée s'amuse même dans sa section dédiée à la "belgitude" !). Vendu comme particulièrement attractif, vantant la place de la bière belge au sein du patrimoine immatériel de l'UNESCO, le musée attend quelques 500.000 visiteurs rien que cette année pour assurer sa rentabilité.

Un graffiti représentant un pan d'histoire de la bière en Belgique

2 comments

  1. Avatar
    Isabelle 8 septembre, 2023 at 09:06 Répondre

    Superficiel et tape à l’oeil.
    Les vrais amateurs de bière de qualité ne mettront certainement pas les pieds dans ce piège à touristes, dédié à la bière industrielle, au prix d’un échantillon bien garni des meilleures bières absentes.
    Et que dire de la « mise en valeur » du patrimoine architectural… en perçant le socle pour faire quelconque une entrée de parking, rehaussée de grilles en laiton, dans un bâtiment classé.
    Le tout financé par des fonds publics, y compris COVID : un comble!

  2. Avatar
    Anne B 6 janvier, 2024 at 19:48 Répondre

    Une belle découverte interactive pour les novices brassicoles Aperçu superficiel et résumé de ce qu’est le brassage d’une bière Le verre offert avec l’entrée est un bon échantillon
    Également l’occasion de découvrir l’origine de ce qu’était l’architecture du somptueux bâtiment de la Bourse

Laisser une réponse