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5 pistes pour améliorer le secteur brassicole belge

La Belgique rayonne dans le monde entier grâce à ses bières, l'UNESCO ayant même inscrit la culture de la bière de notre pays au patrimoine immatériel (le dossier est d'ailleurs en phase de reconduction)... Mais au-delà des clichés, le secteur brassicole belge se repose énormément sur ses lauriers. Pire, les Belges méconnaissent largement la bière tout en critiquant ouvertement les brasseries de nos voisins sans essayer de les connaître... Ce syndrome du roi de la colline pourrait-il étioler l'aura de la bière belge, comme à l'époque de la New Beat? Peut-être pas en suivant nos quelques pistes :

Protéger la bière belge et le secteur brassicole artisanal

La Belgique ne possède pas encore le réflexe de protéger ses produits culinaires d'une Appellation d'Origine Protégée (AOP), contrairement à d'autres pays comme la France ou l'Italie. Le fromage au lait cru de Herve est par exemple l'unique représentant de sa catégorie à bénéficier d'une AOP... Pourtant, cette protection européenne permet de créer des cahiers des charges stricts et d'empêcher l'usurpation d'un style ou d'un terroir par des producteurs étrangers moins scrupuleux. Le débat se pose concernant les lambics de fermentation spontanée de Bruxelles et de la vallée de la Senne. Des brasseries étrangères peuvent-elles appeler leurs bières "lambic" ou utiliser des termes comme "méthode gueuze"? L'association HORAL défend ouvertement ces appellations mais ne possède aucun poids juridique ou soutien politique pour y arriver. Contrairement aux viticulteurs champenois, par exemple, qui ont bien compris l'utilité de protéger leur production atypique par une cohorte d'avocats qui vise parfois les brasseries belges brassant des bières "brutes". Dans la même idée, la Belgique ne possède aucune loi régissant la dénomination "brasserie artisanale" ou aucun syndicat pour représenter les brasseurs et brasseuses du royaume... contrairement à la France.

Devenir réellement transparent

Sans forcément révéler les types de houblons ou les recettes utilisés, une plus grande transparence reste nécessaire pour les bières belges. Les consommateurs ignorent souvent ce qu'ils boivent réellement à cause d'un vide juridique, exception faite des allergènes. Qui penserait boire une bière brassée à base de riz ou de maïs alors que l'étiquette vante une recette traditionnelle belge qui nous plongerait au Moyen Age? Qui connaît précisément la différence entre une bière d'abbaye et une bière trappiste? Qui peut mettre en doute les dates anciennes et les moines bedonnants utilisés pour légitimer des bières de l'ère industrielle? Qui connaît la différence entre une vraie brasserie et une brasserie à façon qui envoie parfois simplement sa recette à distance pour obtenir une production? Ces grandes questions animent régulièrement la communauté zythologique belge (et internationale) mais le grand-public en reste éloigné... au risque de simplement se faire avoir par des mensonges du marketing!

Se tourner vers la gastronomie

Les Belges sont gourmands et notre pays connaît un savoir-faire gastronomique reconnu internationalement. Le classement "the world's 50 best restaurants" pose par exemple ses bagages à Anvers en octobre 2021 pour élire les meilleurs restaurants du monde! Cette vitrine devrait naturellement bénéficier aux brasseries belges, comme la gastronomie française promeut le vin local. Hélas, peu de restaurateurs fournissent l'effort de construire une réelle carte de bières artisanales ou de proposer des accords réfléchis sur la question. Pour s'en rendre compte, il suffit de se demander quels restaurants y pensent dans une ville comme Bruxelles et de les compter les réponses sur nos dix doigts de la main... Heureusement, les choses évoluent positivement dans le secteur lorsque les nouveaux restaurants réfléchissent d'emblée à inclure des bières artisanales belges ou lorsque de gros événements comme le EAT! Brussels invitent les brasseries bruxelloises au menu.

Fournir des efforts pour l'inclusivité

Sous des airs apparents de bonne humeur, le milieu brassicole belge reste très fermé à un public qui ne serait pas masculin et blanc. Une visite dans un bar à bières, dans un festival brassicole ou dans une équipe de brasserie permet d'en faire facilement le constat. Le marketing de la bière ne cible tout simplement pas la moitié de son public potentiel : les femmes (malgré des efforts ressentis, elles restent minoritaires dans le milieu et subissent encore de nombreuses agressions) mais aussi les racisés ou la communauté LGBTQ+. A un niveau encore plus bas, l'échange entre brasseries des différentes communautés linguistiques de Belgique peine à décoller, comme si le pays vivait trois réalités différentes sur la question. Heureusement, des initiatives apparaissent pour donner un coup de pied dans la fourmilière comme le chapitre Pink Boots Society ou le manifeste antisexiste publié en 2020. Pour donner un exemple concret, la Fédération des Brasseurs Belges portent encore un nom excluant les femmes du secteur...

Suivre les tendances et innover

Vous reprendrez bien une IPA pas vraiment houblonnée? Les brasseries belges peinent à suivre les tendances mondiales comme le prouve l'exemple des Indian Pale Ale, populaires il y a presque dix ans dans les pays nord-américains et qui continuent d'apparaître comme une nouveauté aux yeux du grand-public belge. Cette apathie et ce retard poussent les brasseries belges à se contenter d'un triptyque classique: blonde, brune, triple. Pendant ce temps, d'autres pays s'intéressent plus fortement aux styles de nos régions comme les Saisons, les Grisettes ou les Krieks. La réticence des professionnels du secteur brassicole s'expliquent bien entendu par une fermeture du public à l'innovation. Aux professionnels d'expliquer et d'oser passer à la canette, aux bières acides, aux vieillissement en barriques ou aux gros dosages de houblons... tout en justifiant clairement le prix. A nouveau, la transparence joue son rôle pour départager les consommateurs qui hésitent entre une Leffe infusée quelques jours avec des copeaux de bois ou une bière réellement vieillie plusieurs mois dans un tonneau de chêne.

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